PROJETER 

POUR LES FILS DE RĒa

 

PARTIE V

LE PROJET ET LA PYRAMIDE

LES TERMES TECHNIQUES DE LA PYRAMIDE

D’après les sources jusqu’à ce jour connues, nous déduisons que les mathématiciens égyptiens exprimaient l’angle en façon différente de la nôtre. Quand nous pensons à l’angle entre apothème et base d’une pyramide, nous représentons tout de suite dans notre esprit l’espace entre les deux éléments. Pour les ancien Égyptiens, au contraire, parler d’angle signifiait entendre un rapport entre deux grandeurs linéaires. Considérons, par ex., les connus problèmes du Papyrus Mathématique Rhind : nous avons comme termes connus de la pyramide le côté de base et l’hauteur, et comme terme inconnu l’angle à la base ; ou bien, vice versa, comme termes connus le côté de base et l’angle, et comme inconnue l’hauteur.

Mais avant d’entrer dans le vif de cette problématique de géométrie, nous devons arrêter notre attention sur les expressions égyptiennes qui nous traduisons par côté de base et hauteur.

La première est écrite wxA-Tbwt, traduite par le Wb (I-354,8) comme « dénomination du coté de base d’une pyramide ». L’expression égyptienne signifie à la lettre « cherher-la-semelle », D’après cela on pourrait déduire que la base d’une pyramide est conçue comme une semelle dont on cherche un élément, c.-à-d. le côté, ou même la médiane du carré constituant la base. Nous devinons dans cette expression la recherche au cours de l’exécution du monument, recherche tendue, peut-être, à une apte aire géologique, à une probable référence astronomique, à un travail soigné de réalisation du périmètre de base. En outre on remarque comme le substantif désignant le côté (?) de base d’une pyramide soit différent de celui employé pour la base d’un triangle qui, comme nous vîmes, (I Partie) est désignée par le terme tp-rA.

La seconde expression est écrite pr-m-ws, traduite par le Wb (I-359,1) comme « dénomination de la notion mathématique de l’hauteur (d’une pyramide) ». Ce terme, traduit à la lettre, signifierait « (quelque chose)-qui-sort-du-ws ». Il y a le mot wsy (Wb I-359,2) qui signifie « petite fenêtre » et qui, dans le FCD, 68, est traduit par « crack, chink » et est indiqué par ws.

Comme dans les problèmes des pyramides  on calcule toujours la moitié de la mesure de base en référence au pr-m-ws, on peut supposer que la mesure de la base soit la médiane du carré de base, c.-à-d. une fente (ws) de laquelle sort l’hauteur du solide. Donc pr-m-ws pourrait signifier « celui-qui-sort-de-la-médiane (-de-base) ». Même dans ce cas le mot pour hauteur est différent de celui relatif au triangle, qui est mryt ou idb.

Nous remarquons, donc, que la terminologie concernant les éléments de la pyramide (solide géométrique) est totalement différente de celle-là employée pour le triangle (figure plane) : dans la première il s’agit de idées, dans la seconde de termes. Cela est très important parce que nous fait comprendre, par intuition, deux manières diverses de concevoir de la part des mathématiciens égyptiens un solide triangulaire et un triangle.

En restant dans le domaine des expressions pour base et hauteur, nous avons des autres dénominations concernant cette fois un pilier, sujet du problème n°60 du PMR. Le sujet en question est le iwn « pilier ; colonne ». Comme dans le problème on demande la recherche du sqd, c.-à-d. la pente des pans du poteau, on propose la traduction « colonne (à pans talutés) »(du reste déjà soutenue par P. Spencer, The Egyptian temple. A Lexicographical Study, 1984, 99 suiv.) Or la base du pilier, de laquelle est donné la mesure, est appelée snTt, soit « plan » (Wb IV-179,11), tandis que l’hauteur est appelée qAy « hauteur » (Wb V-4). Nous nous trouvons en présence de deux termes particuliers très proches au monde de la technologie architecturale, de structure et de projet.

À la lumière de cette petite enquête on pourrait conclure que les anciens Égyptiens fissent une certaine distinction entre les solides faisant part du monde de la géométrie. La pyramide, au moins à l’époque du PMR, était considérée un élément étroitement lié au monde de la géométrie solide et avec une propre terminologie technique. Enfin nous confirmons l’idée que la géométrie plane avait un son domaine avec des termes dérivant de la vie agricole.

L’ANGLE À LA BASE D’UNE PYRAMIDE :

LE « SQD » ÉGYPTIEN

Venons maintenant au terme sqd. Les problèmes du PMR proposent la recherche du « séqed », étant donné comme termes connus le « chercher-la-semelle » (médiane de base) et « celui-qui-sort-de-la-médiane » (hauteur).

Le terme est traduit par le Wb (IV-309,20) « Böschung » et dans le FCD, 250u pan d’une pyramide. Deux raisons ne persuadent pas sur la qualité de la traduction du terme en question.

La première est que le déterminatif de sqd est un rouleau de papyrus lié et scellé ( y1.gif (1021 bytes) ), expression d’une idée abstraite. Nous trouvons ce type d’abstraction dans le mot qd avec le sens de « forme, figure » (Wb V-76, ii ; d) : on remarque le même déterminatif dans l’idée principale du terme « manière; qualité; caractère » (Wb V-75, i). À ce point on pourrait suggérer que le terme technique sqd pourrait signifier « donner la forme » (traité comme verbe causatif) parce que, si nous voulons, c’est juste la solution du séqed qui donne la forme à une pyramide.

La seconde raison est fournie par les solutions des mêmes problèmes géométriques égyptiens. Nous pouvons considérer, par ex., le problème n°56 du PMR :

Procédé du calculer une pyramide de 360 dans la (médiane de) base et 250 dans son hauteur. Fais que je puisse connaître son sqd.

Tu feras la moitié de 360 : il se transforme en 180. Tu diviseras 180 par 250 et il se transforme en ½ 1/5 1/50 d’une coudée. En étant la coudée de 7 palmes, tu multiplieras par 7.

Son sqd est de 5 palmes 1/25.

Tout d’abord il faut remarquer que les valeurs ne sont pas exprimées en unités de mesure : en théorie, elles pourraient être des coudées, des perches ou des cordes. Cela indique la vague du problème, car le but principal de la question est le procédé pour trouver la solution d’une inconnue bien précise. Mais, à part cela, il faut convenir que la solution se réduit à un triangle rectangle d’hauteur de 1 coudée (l’unité) et de base de 5 palmes ¼ : pratiquement quelque chose comme une notre proportion arithmétique.

En calculant le problème par notre notions trigonométriques, nous pourrions exprimer la solution de l’exercice par

250 : 180 = 1,3888…, ð tg a = 54°14’27’’ ; ou bien 7 palmes ´ cotg a = 7 ´ a/2:h

Or, si 1 coudée = m.0,525, on a que 1 palme = m.0,075. On obtient ainsi de la solution du problème un triangle rectangle de base de m.0,378 et d’hauteur de m.0,525, raison pour laquelle le rapport h-½b de cette pyramide est de 25-18.

Cela conduit à une considération très importante. Les problèmes du PMR sur les pyramides n’expriment pas l’angle entre l’apothème et la base de la pyramide : le séqed n’est pas l’apothème du solide (ou l’hypoténuse de la moitié de sa coupe). Plutôt on pourrait définir le séqed comme le sous-multiple de la moitié du côté de base en rapport à l’hauteur de 1 coudée.

D’ailleurs, si nous considérons les autres deux problèmes sur les pyramides (n°58 ; n°59) nous remarquons que le second est fondé sur le rapp. h-½b = 4-3 (triangle sacré), tandis que le premier est un exercice mathématique avec l’hauteur de la pyramide exprimée en valeurs décimales (93c 1/3).

Les exercices sur les pyramides proposent donc comme calculer une éventuelle équerre d’hauteur unitaire (1 coudée) et avec la base proportionnelle à la moitié du côté du bâtiment. Tout cela conduit à la conclusion que le procédé des problèmes du PMR donne la solution de comme construire une équerre pour maintenir constante la pente des pans de la pyramide, mais pas comme était projeté le rapp. h-½b du bâtiment.

LE RAPPORT H-½B ET LA THÉORIE

 DE PROJET D’UNE PYRAMIDE

D’après mon enquête conduite sur les pyramides de la zone memphite dans la période qui vait de la fin de la III dynastie à la fin de la VI dynastie j’ai tiré la suivante théorie de projet :

Dans une pyramide de l’Ancien Empire l’hauteur est en rapport à la moitié du côté de base du bâtiment selon une couple de grandeurs numériques qui donnent l’hauteur (h), la moitié du côté de base (½b) du monument, son module primaire et celui secondaire de projet.

Une couple de grandeurs numériques, appliquées à beaucoup de pyramides, les lie par un rapport d’agrandissement ou de réduction selon la subdivision en parties égales de la moitié du côté de base, de l’hauteur et de l’apothème, exprimées par des nombres qui ont presque toujours étroite relation avec la numérologie magique.

Le rapport h-½b n’est pas exprimable sous forme de fraction, car la moitié du côté de base n’est pas une partie de l’hauteur. Plutôt on peut considérer ce rapport comme une relation entre h et ½b, c.-à-d. h sur ½b : un ancien égyptien, peut-être, l’aurait exprimé par pr-m-ws tp gs wxA-Tbwt ( ?).

D’après l’étude sur les pyramides égyptiennes de l’Ancien Empire ont apparues les suivantes relations :

h

2

3

4

5

7

7

7

8

9

11

12

13

14

16

16

17

½b

1

2,5

3

4

4

5

7,5

5

5

7,5

12,5

10

11

7,5

12,5

18

Il semble que le choix des membres numériques de ces relations soit en fonction de la largeur de la chambre funéraire, du module de projet et, naturellement, des mesures du monument qui, on fasse attention, sont toujours exprimées en nombre fini de coudées (d’ailleurs par des raisons plus que pratiques). Il est implicite que la relation h-½b donne l’inclinaison de l’apothème, c.-à-d. son angle à la base.

Sur 33 pyramides (royales, secondaires et rituelles) la relation 5-4 eut le plus grand succès, suivie par la 4-3 et la 8-5. Maintenant nous analyserons un exemple de toutes les possibles phases du raisonnement en considérant, par ex., la relation 5-4.

La première caractéristique est la multiplication de deux membres du rapport par un même nombre, d’habitude égal à une des valeurs base, ou en rapport de grandeur avec eux. Dans notre cas nous avons la multiplication de deux valeurs par 5 :

5 ´ 5 = 25 c (coudées)

4 ´ 5 = 20c

Comme -s’il fût nécessaire le souligner- le but est le projet d’une pyramide, 25 et 20 sont exprimés en coudées et ils constituent des valeurs fixes relatives à l’hauteur et à la demie de base du monument, qu’on peut les répéter n fois selon la grandeur désirée du bâtiment.

Examinons la pyramide du roi Mykerinus. On voulut agrandir 3 fois les deux valeurs (25c et 20c) : par coïncidence ( ?) 3 était un nombre magique très important. Nous avons :

h 25c ´ 3 = 75c

½b 20c ´ 3 = 60c ´ 2 = 120c (côté de base)

On obtient un solide dont les grandeurs principales son en rapport avec 5 et 4. Or, les valeurs obtenues peuvent être divisées par 5 et 8 (valeur de la base) :

75c  : 5 = 15c

120c : 5 = 15c

On obtient, ainsi, le côté d’une grille carrée utile à l’avant projet du monument. En divisant 15c par 3 (valeur d’agrandissement des mesures relatives à 5 et à 4) on a 5c, sous-module de 15c et utile au projet détaillé. Donc la valeur d’agrandissement indépendant donne aussi les nombres de parties dans lesquelles il faut partager le module primaire pour obtenir la valeur de celui secondaire. Celui-ci, en général, est employé pour la largeur de la chambre funéraire (quelques fois il est réduit de moitié ou redoublé).

Telle pourrait avoir été la méthode employée par les projeteurs égyptiens, car elle semble réfléchir en bonne partie la minutie et l’esprit d’application de la mathématique de ces temps. Les choix, pour nous apparemment libres et encore inexplicables, sont les relations numériques de départ et la valeur d’agrandissement de celles-là : le reste est lié intimement à la nature même des opérations. C’est l’idée qui nous pourrions remarquer dans la méthodologie de projet des temples hauts et bas des pyramides , dans lesquels le projet est un mécanisme parfait dont l’engrenage est indispensablement lié au contexte de l’opération.

Or, à la méthode avant proposée on pourrait aussi suggérer une alternative plus simple, c.-à-d. multiplier directement 5 et 8 (double de 4) par 15 et obtenir 75c et 120c ; 15c deviendrait puis la valeur modulaire principale qui, divisée par 3, donne 5c . Mais par cette méthode il serait plus que licite se demander : « Pourquoi le choix de 5 fois ? ». On pourrait répondre : « Parce que 5 ´ 3 = 15». « Et pourquoi 8 n’est pas multiplié par 3 ? ». Cette dernière question est plus que justifiée car les deux valeurs de h et (½)b contribuent au projet de la pyramide. Une autre question pourrait être : « Pourquoi on divise 15 par 3 ? ». Réponse : « Parce que 5 a été multiplié par 3 ».

Nous nous rendons compte, sans crainte de faire le jeu du pourquoi, que les réponses à ces questions donnent pour certain un raisonnement (et un procédé) qui, au contraire, doit être mis bien en clair car épine dorsale de choix bien précises et lisibles encore aujourd’hui par chacun de nous. La pyramide est un solide particulier en tant que sa matrice est un triangle rectangle qui, dans le cas de l’ancienne Égypte, était assujetti à des lois particulières juste parce qu’il causait un système dont les caractéristiques pouvaient (et devaient ?) satisfaire la religion, la magie, l’astronomie, le projet et l’exécution.

Naturellement la relation h-½b était exprimable dans le système de la coudée pour les équerres en chantier. À côté de cette relation, pas moins importante était celle h-½d (diagonale de base) qui définissait l’arête du monument et qui devait être contrôlée en phase de réalisation (voir tableau suivant)

LES RAPPORTS H = ½B ET H-½D

rapp.h-½b

angle

équerre

rapp.h-½d

angle

équerre

2-1

3-2,5

4-3

5-4

7-4

7-5

7-7,5

8-5

9-5

11-7,5

12-12,5

13-10

14-11

16-7,5

63°26’32 "

50°12’71 "

53°07’26 "

51°20’26 "

60°15’29 "

54°27’27 "

43°02’25 "

57°59’23 "

60°56’29 "

55°43’27"

43°49’25"

52°26’26"

51°54’34"

64°53’30"

1c-½c

1c 2d-6p 1d

1c-5p 1d

1c 2d-6p

1c-4p

1c-5p

1c-1c 2d

1c 1p-5d

1c 2p-5d

1c 1p 1d-5p 2d½

1c 4p-1c-2p 2d½

1c 2p 3d-1c 2d

1c-5p½

1c 1p-5p 2d½

17-12

17-20

9-9,5

8-9

16-13

1-1

2-3

30-26,5

14-11

14-13,5

18-26,5

34-37

9-10

40-26,5

54°55’

40°18’

43°18’

41°38’

51°03’

44°58’(45°)

33°25’

48°31’

51°50’34"

46°02’

34°10’

42°35’

41°59’

56°27’

1c 1p½-6p

1c 1p½-1c 3p

1c 2p-1c 2p½

1c 1p-1c 2p

1c 2p½-1c 2p 1d

1c-1c

1c-1c½

1c 2d-6p 2d½

1c-5p½

1c-6p 3d

1c 1p½-1c 2p 1d

1c 1p½-1c 2p 1d

1c 2p-1c 3p

1c 3p-6p 2d½

Les problèmes posés par le projet n’étaient pas simples et les architectes égyptiens cherchèrent de fluidifier au dernier degré les solutions, dans la mesure où celui qui ordonnait l’oeuvre le permettait. Si la théorie modulaire avant suggérée est valable, on peut déduire que le choix de la pente des pans d’une pyramide (et donc sa forme) dépendait juste de la subdivision modulaire qui facilitait le projet des fonctions intérieures du monument. La connaissance des figures géométriques utiles au projet était exploitée au dernier degré pour chercher les solutions meilleures aptes à simplifier l’économie du chantier. Il semble hors de propos parler encore aujourd’hui de géométrie ésotérique et relatives implications juste pour les raisons avant indiquées et, du reste, prévisibles spécialement en observant attentivement ces montagnes de pierre.

Dans notre enquête sur les pyramides et, par contrecoup, aussi sur leurs complexes funéraires, on a relevé quelques recherches de la part des projeteurs égyptiens de rapports entre les parties des sépulcres royaux (voir les tableaux comparatifs). Un exemple particulier est la pyramide de Chéops,  dans laquelle la chambre funéraire se trouve à une cote qui est en rapport avec l’hauteur du monument : ce choix crée une proportion entre la coupe horizontale à cette cote et la base de la pyramide. La même relation h-½b = 14-11 développe une valeur très proche au p: la discussion sur ces particularités est conduite dans son page. Malheureusement celles-ci et autres réalités proportionnelles ne nous informent pas sur les raisons de tels choix raison pour laquelle nous devons nous borner seulement à les rendre connues, et les accepter pour celles qui sont, jusqu'à ce que quelque ancien témoignage ne nous illuminera le plus sur ces problèmes.

LE PROJET

DES FONCTIONS CULTUELLES

Dans un complexe funéraire royal, au-delà de la pyramide -comme nous savons- il y a des autres fonctions très importantes: le temple funéraire et le temple de la vallée.

Le premier, toujours annexe à la pyramide, servait au culte funéraire du souverain. Le second se dressait à plusieurs centaines de mètres de distance du tombeau royal et était relié au temple funéraire par une chaussée couverte. La dénomination de la vallée dérive de l’emplacement du bâtiment sur un niveau plus bas que le reste de l’ensemble. Ce temple avait des fonctions rituelles et il est possible qu’il ait été la métamorphose en pierre de la tente de purification du cadavre du roi. D’habitude le temple bas se reflétait dans les eaux d’un bassin ou d’un canal (naturel ou artificiel).

Dans ces deux fonctions architecturales la méthodologie de projet change énormément par rapport à celle usée dans la pyramide. En effet soit le temple funéraire que celui de la vallée sont des édifices dont la distribution de projet devait répondre à des questions de plus grand répit.

Généralement le temple funéraire est lié au côté de la pyramide dans une proportion qui change selon les exigences de chaque épisode. Cette interdépendance est exprimée beaucoup de fois par la subdivision du côté de la pyramide en n parties, en utilisant quelques-unes par rebattements. Souvent -et spécialement dans la V dynastie- la longueur du temple funéraire dépende de la longueur du côté occidental de la cour extérieure de la pyramide. Dans l’analyse du projet du temple haut se distingue l’emploi raisonné du carré et de ses sous-multiples (qui engendrent aussi des triangles) et des triangles du type (h-½b) 5-4 ; 4-3 ; 2-1 ; 1-1. Souvent ces figures sont faites couper entre eux, ou bien des parties de leurs éléments sont rebattées de façon à déterminer le choix de la longueur et de la largeur de quelques pièces. Il faut toutefois remarquer que, par contre, quelques valeurs de grandeur deviennent, à partir de la V dynastie, des standards : c’est un phénomène qu’on relève même dans les pyramides et dans quelques leurs choix de projet.

Nous pouvons remarquer la même manière de projeter dans le temple de la vallée. Bâtiment plus petit que le temple haut, en général il est lié -comme valeur de départ du projet- à des éléments particuliers du temple funéraire. Par ex., la longueur du côté oriental du temple bas de Sahou-Rea est la même que la longueur de la cour à colonnes du temple haut. Les fonctions du temple de la vallée sont réduites au minimum, en regard à sa destination, raison pour laquelle le projet, surtout dans la V et VI dynastie, est généralement très simple.

Le discours de projet fondé sur les triangles et sur le carré est extensible aussi dans les façades de ces temples. D’après ces rares exemples dans lesquels on a pu reconstituer avec une certaine crédibilité les situations verticales, on remarque l’emploi des triangles 5-4 et 4-3; ou bien on a que l’hauteur des bâtiments est une partie de la longueur de la façade principale. On peut dire la même chose de l’analyse des espaces intérieurs, où les hauteurs entre les piliers ou les colonnades sont le fruit de triangles 5-4, 4-3 ou bien de parties de entraxes de piliers ou de colonnes, de distances entre leurs lignes extérieures et les entraxes opportunément multipliés par n fois.

Un discours très intéressant est celui des proportions des colonnes dans les exemples à fût cylindrique, à chapiteau palmiforme et papyriforme. Dans ces poteaux les diverses parties (fût, chapiteau, abaque) sont proportionnées entre elles et aux diamètres de l’escape ou du congé. Naturellement l’hauteur totale des poteaux dépend du contexte dans lequel ils se trouvent.

En conclusion on peut affirmer que le projet dans le temple funéraire, dans celui de la vallée et dans leurs éléments révèle une méthodologie très simple et transparente, exempte de choix personnels qui auraient influencé la fonction des édifices : celle-ci est une caractéristique très importante. En effet, des choix opérés en base aux lois de la géométrie, inhérente à la Nature, répondent à la mentalité de l’ancienne Égypte, selon laquelle celui qui nous appelons artiste n’était personne d’autre qu’un simple exécutant, la plupart des fois formé et instruit, mais pur et simple auteur des oeuvres lui commandées et qui mettait en pratique ses connaissances. Je pense que la même chose valût pou l’architecte au service du souverain : par la manipulation de la géométrie, il donnait à l’oeuvre immortelle une empreinte qui était en harmonie avec la Nature et en rapport durable avec la personnalité du roi. En outre l’emploi de la géométrie facilitait le monde du travail parce que donnait une impulsion et trouvait expression dans l’exécution à pied d’oeuvre. Ici on entre dans le domaine de la technique des constructions et du chantier, disciplines liées principalement à l’économie et aux temps de travail.

D’après les quelques traces de méthodologie de chantier trouvées dans les complexes funéraires de l’Ancien Empire et d’après l’analyse de projet, nous pouvons déduire qu’il y avait un long travail attentif et en théorie (dans la mesure où les moyens techniques de l’époque le permettaient). Dans ce lieu, et à conclusion de cette partie, on confirme la conviction de cette manière de procéder. Le projet en théorie offre l’avantage (d’ailleurs de La Palice) d’avoir un tableau clair de l’organisation de chantier. À ce propos on rappelle les marques existant sur beaucoup de blocs des complexes funéraires, soit des temples des pyramides . Il s’agit de marques qui peuvent indiquer les carrières de provenance des matériaux, dates, notations de chantier, etc: elles, quelques fois, se sont révélées utiles pour la recherche de projet. Du reste on remarque les traces de ce procédé même sur des objets d’artisanat: dans le naos en bois de Tout-aankh-Amon nous voyons les signes correspondant à l’orientation (et à la jonction) des diverses pièces pour les assembler aisément. De même, dans un collier de plaques en faïence du Musée Archéologique de Naples, les diverses pièces présentent sur leurs épaisseurs des signes hiéroglyphiques qui aidèrent l’artisan à monter les plaques en manière juste.

À l’époque de notre enquête les voix principales relatives aux complexes funéraires pouvaient être (en raison des témoignages subsistés):

  • avant-projet et projet détaillé ;

  • prévision des cubatures pour les oeuvres en briques crues ;

  • extraction des carrières de pierre ;

  • transport fluvial et terrestre ;

  • travail de dimensionnement et de finissage de chaque pièce ;

  • fabrication d’outillage et d’équipement de chantier ;

  • prévision de la quantité des manœuvres et de ses roulements ;

  • approvisionnement du chantier ;

  • salaires de la main-d’oeuvre (de tout degré) ;

  • nivelage de l’aire choisie et relatives oeuvres annexes ;

  • exécution de tracé planimétrique de l’ensemble ;

  • transport, élévation et mise en oeuvre de blocs lithiques ;

  • érection des rampes de briques crues et d’autres matériaux ;

  • pavages ;

  • finissage, stucage et éventuels placages en pierre de qualité ;

  • mise en oeuvre de statues ;

  • exécution de bas-reliefs ;

  • application de parties en bois fixes ou mobiles ;

  • badigeonnage de l’entier complexe.

Une voix très importante était celle du calcul de la main d’oeuvre nécessaire dans chaque phase, parce que la caractéristique du chantier égyptien était d’exécuter le travail par équipes et spécialisations. Même si nous n’avons pas des suffisantes sources directes sur le travail exécutif d’un complexe funéraire de l’Ancien Empire, il suffit de se refaire aux documentations postérieures  pour nous rendre compte, par bonne approximation, de la capillarité de la main d’oeuvre. Lié à cet argument il y avait le chapitre frais parce que, du simple porteur d’eau à l’architecte, il existait une hiérarchie qu’il fallait rémunérer. Si encore aujourd'hui nous pouvons rester perplexes sur le salaire d’un ouvrier du Nouvel Empire, ne devons pas toutefois oublier que dans l’ancienne Égypte les régimes alimentaires  étaient différents et que le type d’économie était fondé sur l’échange en nature. Cela veut dire que même deux gâteux du type fqA donnés à un assistant de l’XI dynastie avaient leur frais de production.

C. Goyon  a supposé que pour la construction de la pyramide de Chéops furent nécessaires près de 20.000 hommes, sur la base de calculs raisonnés. Comme est acceptée et attestée l’échelle hiérarchique de fonctions et d’activités dans les chantiers égyptiens, il n’y a pas besoin de beaucoup d’imagination pour deviner quel engrenage économique se mettait en mouvement pour un bâtiment comme un complexe funéraire de l’Ancien Empire.

*Note. Wb = Wörterbuch der ägyptischen Spräche, Leipzig 1926-31

            FCD = R.O.FAULKNER, A Concise Dictionary of Middle Egyptian, Oxford 1962