PARTIE IV
LA
PYRAMIDE ET
L'ASTRONOMIE
SOURCES ÉGYPTIENNES
SUR LA PYRAMIDE
Les
Textes
des Pyramides écrits
sur les parois de la chambre funéraire et de l’antichambre (y compris
le couloir d’accès) des pyramides à partir de celle d’Ounas, sont un
corpus de formules (prières, expressions) de genre divers
d’inspiration protectrice, magique et descriptive, héritage d’une
tradition orale et ensuite mises par écrit. Dans ces formules est nommée
plusieurs fois la pyramide (et son temple) ou une allusion à elle en
autre forme, comme escalier ou rayons solaires: ces deux dernières
comparaisons mettent en contact étroit l'ascension du roi vers le ciel et
les étoiles parmi lesquelles il résidera dans l’éternité.
L’analyse
des diverses formules mentionnant l’escalier nous fait remarquer que
celui-ci, entendu comme une barrière architectonique (rwd),
est nommé seulement quatre fois et une fois comme comparaison de la
splendeur solaire des dieux. On a voulu voire dans cette structure pour
monter au firmament une allusion aux pyramides à degrés bâties en
Égypte dans la III dynastie. Mais il est bien vrai que sont mentionnés
des autres deux types d’escaliers : celui à échelons (mAqt)
et celui de corde (qAs),
même pour monter au ciel, ou sur la barque solaire ou sur une
constellation.
Dans les
textes il est donc explicitement déclaré que le souverain monte vers le
firmament en se servant d’un escalier (en maçonnerie, à échelons ou
de corde) et dans cette région céleste le roi peut être assis parmi les
dieux, être une étoile et se mettre dans la condition de maximale
liberté de mouvements, parce que le roi même dit :
« Je
me sui envolé vers le ciel comme un héron, j'ai embrassé le ciel comme
un faucon, j'ai atteint le ciel comme une sauterelle qui cache ( ?)
le soleil » (§ 891).
Comme
d’après l’imprécision du contenu de ces compositions il ne semble
pas convenable chercher une allusion plus ou moins possible aux pyramides
à degrés, on peut chercher la forme de cette typologie de monument en
autres directions ou origines : peut-être, c.-à-d., il s’agit
d’une première tentative d’ériger un tumulus royal qui se
différenciât comme signe de ceux des sujets. En outre, comme on
lit même clairement dans l’épisode du roi Djéser, l’expansion du
premier mastaba, et la superposition ensuite d’autres cinq,
exprime une tentative statique d’un type de symbole dont la forme
devait s’approcher le plus possible à une pyramide, entendue comme
énorme pierre benben semblable à
l’exemplaire sacré existant en Héliopolis. Des exemplaires semblables
de cette pierre constituèrent plus tard la partie terminale des
obelisques, notamment symboles solaires, de la V dynastie et suivantes. Il
est à remarquer, en outre, que la pierre terminale des pyramides était
appelée bnbn(t).
L’actuelle
Héliopolis (ég. iwnw)
était un important pôle de théologie de l’ancienne Égypte : ici
il y avait le temple de Rēa,
le dieu
soleil ou, comme était appelé dans les temps les plus reculés, Atoum.
Dans les Textes des Pyramides on lit souvent cet appellatif du dieu
Rēa
et en eux sont
contenues les plus anciennes références à la cosmogonie de Atoum,
reliée à l’ensemble du temple de Héliopolis et à la citée pierre benben
(§ 1652). En outre, dans une autre prière (§ 1587) on souhaite au roi
qu’il puisse être haut dans son nom de monticule
(qAA).
Cette idée
était relatée au premier kôm qui émergea des eaux de l’Océan
Primordial, butte boueuse qu’il semble fût entendue comme source de
millier de nouvelles créatures. La colline primordiale bientôt fut
représentée avec les pans fuselés, ou à degrés (en époque plus
récente).
En
considérant la consistance de la butte boueuse qui émerge des eaux de
l’inondation qui lui donnent une forme irrégulière (même à escalier
à cause du lent décroître des eaux) on pourrait réellement croire que
ce détail naturel coupa le sens d’observation des projeteurs (et
peut-être pas seulement de ceux-ci) égyptiens de la III dynastie.
Probablement ils voulurent faire rassembler le plus possible la tombe du
seigneur d’Égypte à la nature sacrée de la première butte boueuse
émergée peu à peu des eaux de l’Océan primordial: il y eut ainsi les
épisodes de Djéser, Sékhem-khet, Aba et d’autre souverains
(malheureusement par une large part détruits).
 En
ce qui concerne la forme de la pyramide parfaite elle se peut relier à
une autre idée toujours religieuse. L’apparition de Atoum sur la
Colline Primordiale ne fut pas seulement une expression du premier
événement, toujours en Héliopolis. Comme les eaux étaient en absolue
obscurité, l’émersion du dieu signifie aussi le début de la lumière,
le premier matin. Le matin héliopolitain était caractérisé de la
splendeur de la lumière sur un pilier ou pyramidion,
le benben,
aux pans lis et réfléchissant les rayons du soleil levant. Il n’est
pas par hasard que les pointes des obélisques étaient plaquées en
électrum ; en outre la forme pyramidale contient des idées de
numérologie close.
Si tout
cela fût vrai, la pyramide deviendrait l’expression agrandie d’une
butte primordiale géométrisée réfléchissant la splendeur solaire,
forme du dieu Atoum (Rēa)
et, de plus, récipient du cadavre d’un homme divin par naissance et par
héritage, c.-à-d. le roi. Si la première colline boueuse contenait en
elle-même les principes actifs d’une vie qui aurait pullulé ensuite
sur la surface terrestre, la pyramide aurait gardé à jamais la momie
d’un être qui avait contenu en vie les principes actifs de la vie
terrestre et qui, après le passage de la mort, aurait gardé les
principes actifs d’un échange entre cosmos et terre.
Sous cette
optique peut-être on arrive mieux à comprendre l’effort de passer de
la forme à butte brute de la pyramide à degrés de Houny à celle de
pyramide achevée, soit de pierre benben, principe solaire de la
lumière. Ainsi, peut-être, sont plus motivées les expériences de
structure du roi Snéfrou dans le revêtir la pyramide à degrés du père
Houny (avec consécutif écroulement partiel du revêtement) , dans le
bâtir son sépulcre méridional avec double pente (pour expérience
statique pas encore atteinte) et enfin la réalisation de la stabilité
unie à la limpidité de projet de la pyramide
septentrionale.
En
égyptien ancien la pyramide était exprimée par le terme
mr suivi
du déterminatif représentant une pyramide avec son enceinte funéraire:
ce mot indique, comme nous verrons, même le solide géométrique. On omet
les questions sur l’étymologie du mot.
Le
substantif se trouve mentionné dans les Textes des Pyramides dans
lesquels on remarque l’étroite relation entre le culte héliopolitain
et la pyramide sous forme de protection. On caractérise même une
connexion entre Osiris, son fils Horus et la pyramide, le bâtiment
s’identifiant vraiment avec le même dieu de l’au-delà. Enfin la
protection magique que l’enceinte garantit à l’ensemble
architectonique est exprimée clairement.
LES
PYRAMIDES ET L’ASTRONOMIE
Celui
qui se trouve aujourd’hui dans les localités désertiques de
l’Égypte et regarde le firmament peut observer très aisément les
constellations. À plus fort raison les corps célestes pouvaient être
localisés et suivis il y a 4000 ans, quand l’atmosphère était
sûrement plus transparente qu’aujourd’hui.
Nous savons
quelle importance eurent les étoiles pour les anciens Égyptiens et dès
époques reculées, par ex., on calcula le temps se fondant sur la lune et
les astres nocturnes. En connaissant les quatre points cardinaux, les
Égyptiens de l’Ancien Empire réussirent à orienter vers le nord leurs
pyramides. La religion funéraire de l’époque donna une grande poussée
à l’astronomie et préféra en particulier la zone septentrionale de
l’hémisphère céleste dans lequel il y avait le pôle et des étoiles
qui tournaient autour de lui et qui étaient toujours visibles, c-à-d. le
Étoiles
Circumpolaires.
Nous savons
qu’à l’époque des pyramides (env. 2700 a.C.) l’étoile polaire
était l’a
Draconis,
ainsi que nous savons que la pinnule était constituée par deux
pièces : le bai
n imy-wnwt, « nervure
de palmier du veilleur » = pinnule ; la
mrxt
« fil à
plomb ».
L’emploi
de la mérkhet remonte à l’ancien Empire, si devons croire à
une scène d’un temple de Rea
de la V dynastie,
raison pour laquelle nous pourrions trouver même licite l’existence de
la nervure de palmier.
Il semble
que les anciens Égyptiens connurent la précession
de l'axe du monde. dwn-awy
qui signifie
« Celui-qui-étend-les-ailes » et était représentée
par une entité hiéracocéphale. Cette constellation est déjà attestée
dans l’Ancien Empire et était en relation avec l’Ursa Major.
Les
pyramides de l’Ancien Empire, comme nous avons indiqué, sont toutes
orientées à Nord
et la
plupart d’elles le sont avec de beaucoup de précision. À part celle de
Djéser (3° vers l’Est) les autres ont un écart qui va d’un min. de
2’ à un max. de 1°.
Leurs
couloirs descendants, de la pyramide de Meïdoûm à celle de Pépi II à
Saqqâra, sont presque tous orientés vers l’étoile polaire de
l’époque, l’a
Draconis.
Le parallèle céleste (d),
fruit de la latitude (j
) de chaque
pyramide et de l’inclinaison (h) de chaque descenderie, varie d’un
min. de 77°
à un max. de
89°.
Les descenderies de la pyramide rituelle de Ny-ouser-Rea
à Abou
Sîr (par. cél. 77°.52) et de la pyramide secondaire de Djed-ka- Rea
Isési à
Saqqâra (par. cél. 78°.91) furent orientées vers l’étoile z
Ursae Majoris.
Cet astre, appelé Mizar, est une étoile multiple avec Alcor.
Respectivement elles sont distantes de la Terre de 60 a.l. Elles forment
(à part une couple d’étoiles doubles) un bloc stellaire très lumineux
et visible à l’oeil nu.
Les
descenderies de la pyramide sec. sept. de Chéops, de celle de Didoufri à
Abou Rouâch, de Chéfren (I proj.), de Ny-ouser- Rēa
à Abou Sîr et de celle rituelle de Téti
à Saqqâra furent orientées vers la b
Ursae Minoris
(parr. céll.
81°.81 ; 82°.32 ; 81°.66 ; 81°.64 ; 80°.27).
Cette étoile, appelée Kochab, est de mag.2,1, à la couleur
orange et est distante de 95 a.l. de la Terre. Cet astre est de
remarquable luminosité et est visible à l’oeil nu.
Les
descenderies de la pyramide secondaire de Snéfrou à Dahchoûr Sud (par.
cél. 84°.39) et de la pyramide de Ounas à Saqqâra (par. cél. 84°.29)
furent orientées vers la k
Draconis,
étoile de mag.3,9, à la couleur bleu blanchâtre et assez visible.
Le seul
épisode de descenderie située à occident est celui de la pyramide de
Snéfrou à Dahchoûr sud. Le boyau pointait ders la a
Virginis
(par. cél.
14°.3), étoile de mag.1,2, à la couleur blanc bleuâtre et distant de
260 a.l. de la Terre. Cet astre est très brillant et visible à l’oeil
nu. Il est probable que pour une seul fois on ait entendu relier la
descenderie (entrée = sortie ?) à l’occident, lieu de
l’au-delà, pour des raisons qui malheureusement ne connaissons pas.
Dans la
pyramide de Chéops à Gîza la chambre funéraire et celle de la reine
sont pourvues de deux canaux qui s’ouvrent dans les parois Nord et Sud
de chaque pièce.
Dans la
chambre funéraire les deux boyaux avaient une section carrée de 3 palmes
de côté. Celui septentrional est incliné de 31°33’ et pointe vers
l’a
Draconis
(par. cél.
88°.24). Le canal Sud est incliné de 45°13’ et est orienté vers la e
Orionis
(par. cél.
–15°). Cette étoile, appelée Alnilam et de mag.1,7, est une super
géante bleu distant de 1200 a.l de la Terre et est l’astre
central de la Ceinture d’Orion.
Dans la chambre
de la reine le canal Nord, incliné de 37°28’, pointe vers la b
Ursae Minoris
(par. cél.
82°.33). Celui Sud, incliné de 38°28’, est orienté vers la
a Canis
Major (par.
cél. –21°.33), de mag. 1,46, blanche et distant de 8,7 a.l. de la
Terre; cet astre est la Spdt
des ancien
Égyptiens, c.-à-d. Sothis.
La
constellation d’Orion, le sAH
des Égyptiens et
l’étoile Sothis étaient connues, naturellement, dans cette époque et
les trouvons mentionnées dans les Textes des Pyramides.
Si
l’importance de Sothis est connue dans l’astronomie égyptienne et
dans le binôme Sothis-inondation, souvent dans les Textes des Pyramides
Orion est associé à cette étoile dans des références cultuelles et de
invocations. En outre l’apparition de la constellation de Orion dans le
ciel méridional était l’indication d’une nouvelle saison de poussée
végétale. Dans les mêmes Textes des Pyramides il y a des allusions à
une certaine relation entre Orion et Osiris (§§ 820 ; 882-883)
liés tant au renouvellement de la nature qu’à l’au-delà (dwAt),
à part des considérations sur l’épithète de Ax relatif tant à Orion
qu’à Sothis, comme la relation Sothis-Horus.
A ce point
on peut méditer que pas au hasard la chambre funéraire est reliée
au pôle céleste et au centre de la Ceinture d’Orion, tandis que
celle de la reine à une étoile circumpolaire et à Sothis. Cette
pièce, évidemment, avait quelque son importance si était rapportée à
ceux deux astres, desquels nous connaissons l’importance du second.
Cette particularité peut conduire à deux hypothèses sur le but de la
chambre, en se reliant à ce qui a été analysé dans la relative étude
sur le monument (voir cette page):
-
elle
fut une première solution de chambre funéraire avec couverture à
deux versants ;
-
effectivement
elle fut une chambre destinée à dépôt d’ameublement à but
cultuel, à l’égard même à la présence de la niche à
encorbellement qui pouvait contenir la statue (ka) du
souverain.
Dans la
seconde hypothèse, plus vraisemblable, nous aurions donc un témoignage
d’une fonction cultuelle de cette pièce reliée à Sothis et à une
étoile circumpolaire.
La position
topographique des pyramides égyptiennes change en latitude et en
longitude, probablement pour des motifs géologiques ou pour le choix de
lieux tel que l’ensemble monumental parût bien comme marque de
présence et de souvenir du roi. Ces choix dépendent, toutefois, même de
facteurs liés à des localités ou à des bâtiments sacrés
(pré)existant et, peut-être, aussi à des facteurs astronomiques.
D’après
R.G.Bauval (Discussion of Egyptology, 1989 e toute une série de
publications discutables) la localisation des trois pyramides de Gîza
aurait été établie en étroite relation avec les trois étoiles (d,
e et
z)
de la Ceinture d’Orion. Sur cette thèse, toutefois, il y aurait à
discuter sur la base du projet de la distribution urbanistique du site
(voir cette page) et même sur la base du fait que le canal d’air
méridional de la pyramide de Chéops pointe vers la e
Orionis et pas à
l’étoile z,
comme affirmé par l’Auteur. En outre, dans le dernières temps, les
études de Bouval et d’autres Auteurs sur le Sphinx de Gîza, les
projections stellaires (et conséquentes datations), etc. ont fait
beaucoup de bruit. On peut dire seulement une chose: si les Égyptiens
eussent eu telles connaissances leur architecture (et leur technologie)
aurait été de loin différente !
G.Goyon
informe que la pyramide de Chéops, dans son axe Nord-sud, fut orientée
vers l’ancienne xm
(Létopolis),
l’actuelle Aoussîm, et que la distance du centre du monument jusqu’à
Aoussîm serait égale à celle qui va de ce noyau sacré à Héliopolis
(obélisque de Sésostris I).
Des études
relativement récentes nous informent que (voir la table des positions
des pyramides)
-
l’axe Nord-sud de la pyramide méridionale de Snéfrou est aligné
sur un ancien monument situé près du Serapeum à Saqqâra ;
-
l’axe Nord-sud de la pyramide septentrionale de Snéfrou est aligné
sur le côté oriental de l’enclos dit de Morgan ;
-
l’axe Nord-sud du tombeau de Chépses-kaf est aligné sur la
pyramide de Djéser ;
-
l’axe Nord-sud de la pyramide de Pépi I est aligné sur la pyramide
de Ouser-kaf ;
-
l’axe de la pyramide de Téti est aligné sur la pyramide
de Djed-ka-Rēa
Isesi ;
-
l’axe de la pyramide de Mer-en-Rēa
est aligné sur
les pyramides de Ounas et de Pépi II.
Ces
alignements pourraient refléter le désire de s’accrocher aux
ancêtres.
Il est
probable que le déplacement des axes des descenderies à l’est, comme
à l’Ouest (par rapport à l’axe Nord-sud du monument) et souvent en
axe avec le plan médian Nord-sud des pyramides, soit dû à une recherche
de précision dans le pointage. Tels déplacements venaient ensuite unis
aux lois de projet modulaire. On remarque, toutefois, qu’à partir de
Chépses-kaf la descenderie coïncide toujours (à part l’épisode de
Djed-ka-Rēa
Isesi) avec le plan
médian nord-sud du monument. En regard au climat qui s’engendra dans la
V dynastie et suivantes -et qui se répercuta dans la manière de projeter
et de bâtir- on avance l’hypothèse que naquit une certaine
simplification dans les problèmes de pointage avec quelques fautes dans
le viser à l’étoile polaire.
Clairement
un programme plus coordonné et attentif de recherche astronomique sur ces
arguments devrait fournir des réponses plus exhaustives à beaucoup de
problèmes qui actuellement restent non résolus. Telle recherche pourrait
être unie à une analyse plus approfondie de la religion de l’époque
qui trouve expression fixée dans les temps dans les Textes des Pyramides
et dans autres écrits.
Un
remerciement toujours particulier va au Docteur Konrad hm de
l'Observatoire Astronomique de Trieste et aux Docteurs Giorgio Buonvino et
Pierangelo Mengoli de
l'Observatoire Astronomique de Monte Mario à Rome pour
leur disponibilité et collaboration dans la problématique des pointages
des descenderies des pyramides et des canaux d'aire de la
pyramide de Chéops.
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